Les vins nature : mythe ou réalité d’un vin sans additif ?

10 avril 2025

Qu’est-ce qu’un vin nature ?

Avant d’aborder la question des additifs, arrêtons-nous un instant sur la définition du « vin nature ». Contrairement aux vins biologiques ou biodynamiques, le vin nature ne possède pas, à ce jour, de label officiel ou de certification réglementée par l’État. Cependant, on retrouve des chartes établies par des associations, comme celle de l’Association des vins naturels (AVN), qui encadrent les grandes lignes de cette pratique.

Un vin nature, c’est avant tout un vin conçu avec un minimum d'interventions humaines, de la vigne à la bouteille. Cela implique :

  • Une viticulture respectueuse, souvent biologique ou biodynamique (mais ce n'est pas une obligation).
  • Une vendange manuelle, excluant les machines à récolter.
  • Un vin sans utilisation d'intrants œnologiques (enzymes, levures chimiques, sucres, etc.), hormis un ajout très limité de soufre au moment de la mise en bouteille pour certains vignerons.

C’est en quelque sorte une philosophie du "lâcher-prise", où l’objectif est de laisser le raisin et son terroir s’exprimer avec le moins d’intervention possible. Mais cela pose des questions : peut-on vraiment se passer de tout ? Et surtout, comment le terme "sans additif" se confronte-t-il à la réalité pratique et scientifique d’une fermentation alcoolique ?

Pourquoi utilise-t-on des additifs en vinification classique ?

La vinification est un processus naturel, certes, mais elle n’est pas toujours prévisible. Depuis des siècles, les vignerons ont appris à maîtriser certaines étapes pour garantir la stabilité et la qualité de leurs vins. Dans ce cadre, des additifs peuvent intervenir pour diverses raisons :

  • Stabilisation : éviter les troubles et dépôts grâce aux agents clarifiants.
  • Désinfection : le soufre, sous forme de sulfites, protège le vin des bactéries indésirables et des oxydations.
  • Amélioration : utiliser des levures sélectionnées pour orienter les arômes ou du sucre (chaptalisation) pour booster la teneur en alcool dans certaines régions froides.

Ce contrôle technique n’est pas un mal en soi, mais il vient parfois au détriment d’une expression brute de ce que le raisin pourrait donner par lui-même. C’est contre cette "standardisation" que les partisans du vin nature s’opposent, en prônant une vinification sans artifices. Mais cela reste un défi technique, et souvent un pari risqué.

Les intrants interdits en vin nature

Les vignerons nature ont une approche stricte concernant l’utilisation d’intrants. Parmi les produits couramment employés en vinification traditionnelle, la grande majorité est proscrite dans les vins nature :

  • Levures sélectionnées : en vin nature, seules les levures indigènes, c’est-à-dire naturellement présentes sur les raisins, doivent intervenir dans la fermentation.
  • Enzymes et additifs aromatiques : tout produit destiné à renforcer ou modifier les arômes est exclu.
  • Produits de clarification : pas d'agents comme la bentonite, la colle de poisson ou encore les protéines d’œuf, qui sont monnaie courante pour rendre un vin plus limpide.
  • Chaptalisation : l’ajout de sucre pour augmenter le degré alcoolique est interdit.

Autrement dit, un vin nature repose entièrement sur ce que le raisin, la vigne et le terroir peuvent offrir. Mais un sujet reste néanmoins source de débat : le soufre.

Le soufre : l’exception qui fait débat

Le soufre, ou plus précisément les sulfites, est un sujet houleux dans la communauté des vins nature. Ce composé est depuis longtemps utilisé en vinification pour ses propriétés antiseptiques et antioxydantes. Il protège le vin contre les déviations aromatiques, comme le goût de souris, et permet de conserver sa fraîcheur au fil du temps.

Dans les vins nature, plusieurs approches cohabitent :

  • Sans soufre ajouté : certains vignerons font le choix audacieux de ne pas ajouter le moindre milligramme de soufre à leur vin.
  • Soufre minimal : d’autres tolèrent un ajout limité, notamment au moment de la mise en bouteille, pour stabiliser le vin.

Pour référence, un vin conventionnel peut contenir jusqu'à 200 mg/litre de sulfites pour un vin blanc, alors que les vins nature avec soufre "ajouté" tournent souvent autour de 20 à 30 mg/litre maximum. Et certains vins nature revendiquent fièrement la mention "sans sulfites ajoutés". Attention toutefois : cela ne signifie pas absence totale de sulfites, car ceux-ci peuvent être produits naturellement par les levures au cours de la fermentation.

Peut-on garantir un vin 100 % sans additif ?

La promesse d’un vin sans aucun additif est captivante, mais elle doit être nuancée. D’un point de vue strict, un vin dit "nature" peut tout à fait être exempt d’intrants ajoutés. Toutefois, cela ne signifie pas qu’aucune molécule indésirable ne s’y retrouve. La fermentation naturelle engendre des composés variés, parfois en petites quantités, comme les sulfites mentionnés plus haut ou encore des dérivés bactériologiques. Ces éléments ne sont pas ajoutés par le vigneron, mais sont une conséquence directe de processus biologiques.

Alors, peut-on affirmer qu’un vin nature est absolument sans additif ? Pas dans un sens chimique strict. Mais il s’agit surtout d’un vin où aucun artifice extérieur n’a été employé. Ce paradoxe témoigne bien des subtilités de cette démarche : le vin nature est avant tout une philosophie d’authenticité et de respect, non une promesse chimique parfaite.

Un plaisir unique malgré ses imperfections

Boire un vin nature, c’est avant tout une expérience. Ces vins offrent des saveurs singulières, souvent sauvages et changeantes, qui peuvent dérouter comme ravir. Mais ils demandent une ouverture d’esprit et parfois un effort pour accepter l’imprévisible, le dépôt au fond de la bouteille ou un léger trouble dans la robe.

Au-delà des discussions sur les sulfites ou les autres intrants, l’essentiel réside dans l’intention du vigneron et dans la relation qu’il tisse avec son terroir. Et c’est bien là, selon moi, que se trouve l’âme du vin nature : dans cette quête sincère d’une expression brute, audacieuse et vivante.

Un mouvement en pleine évolution

Si le vin nature reste encore marginal dans les rayons ou chez les cavistes, il s’inscrit dans une tendance plus large de retour à des pratiques artisanales et respectueuses du vivant. Les vignerons qui s’y engagent sont souvent des passionnés déterminés à explorer la richesse de leurs terroirs sans artifice. Bien sûr, tout cela peut sembler sujet à débat, entre puristes et pragmatiques, mais ce sont ces discussions qui font avancer les pratiques.

Et vous, quelle est votre expérience avec les vins nature ? Vous intriguent-ils ou les avez-vous déjà adoptés ? N’hésitez pas à partager vos impressions en commentaire ou, pourquoi pas, à venir déguster un verre sur mon domaine en Alsace pour en discuter !

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